« A mesure qu’on lève les voiles de l’inconnu, on dépeuple l’imagination des hommes »
(Guy de Maupassant)
A l’heure où les contes se plaisent, en période d’Halloween, à réveiller nos frousses, il faut se réjouir du travail des conteurs et des conteuses ayant, dans leur répertoire, quelques récits délicieusement terrifiants. Car la peur a bel et bien son utilité.
On le sait déjà, pour les plus petits, des histoires gentiment effrayantes leur permettent d’apprivoiser leurs angoisses et d’ainsi se construire harmonieusement.
Mais qu’en est-il des adultes ?
Pourquoi aimons-nous tant ces récits improbables faits de vampires et de loups-garous ? Peut-être parce qu’ils entretiennent quelques peurs ancestrales qui agissent sur nous comme de savoureuses « Madeleine de Proust ».
C’est un plaisir subtil que de faire remonter à la surface des frayeurs anciennes, en sachant toutefois qu’elles ne pourront pas s’échapper de cette cage solide qu’est l’esprit rationnel.
Mais surtout, ces histoires, qui se jouent de nos effrois, sont l’occasion d’une liberté retrouvée. Celle d’échapper quelques instants à une société où l’on veut à tout prix que chaque phénomène soit parfaitement explicable et expliqué, où la raison prime en toute chose.
Nos peurs se nourrissent prioritairement de ce que l’on ne connaît pas, de ce que l’on ne comprend pas.
Or, depuis le vingtième siècle, la science démystifie de plus en plus des phénomènes jusqu’alors incompréhensibles. On doit, certes, s’en réjouir, car la Connaissance, le Savoir sont des biens précieux pour l’Humanité.
Mais un bienfait peut aussi avoir des conséquences néfastes.
Comment ne pas redouter, en effet, à l’instar de Guy de Maupassant, que cette richesse qu’est l’imagination humaine devienne un jour une terre aride ?
C’est ici que l’art des conteurs trouve toute son utilité. Ces artisans de l’oralité ont le pouvoir, au travers de récits parfois très anciens, de nous rattacher, non seulement à nos racines oubliées, mais aussi de nous convaincre de l’intérêt qu’il y a à préserver intacts les territoires de l’imaginaire.
Continuons donc à nous balader dans les cimetières pour écouter des histoires de fantômes ou de vampires. Participons aux veillées contées qui nous rappellent qu’une sorcière est peut-être une voisine proche. Osons croire à l’incroyable, lorsque la lune est rousse.
Nous avons besoin de ces histoires, de ces formidables sornettes. Magnifique patrimoine à entretenir, elles nous rattachent aux petites et aux grandes frousses de nos aïeuls et nous préservent finalement du plus terrifiant des périls, le seul dont on doit véritablement avoir peur : l’ennui.
(c) Racontance 2013