Ce monde qui manque de fées.
Il faut emporter avec soi autant d’histoires que l’on peut. Les garder précieusement en mémoire ou dans le cœur. S’en faire une couverture pour les jours froids, pour les périodes de chagrins et de solitude. Pour les temps difficiles que traversent nos âmes fragiles.
Nous vivons aujourd’hui dans un monde qui manque cruellement de fées.
Sont-elles enfermées dans les sombres caves des châteaux de la télé réalité ? Se sont-elles dissoutes au contact de l’hyper réalisme économique ?
Comment n’avoir pas l’impression d’être abandonné dans une forêt envahie par un épais brouillard ? Qui peut prétendre aujourd’hui savoir où court ce monde dans lequel nous avons de plus en plus difficile à nous reconnaître. Nous rêvons d’insouciance et l’on nous répond continuellement par des menaces ; chômage, guerre, terrorisme, pandémie…
Le loup ne court plus après le petit chaperon rouge ou les trois petits cochons. Il est aujourd’hui dans le cadre de notre téléviseur et chaque jour, à l’heure de la messe noire de l’information, il nous répète : je vais vous manger !
Face à tous les oiseaux de tristes figures, il faut du caractère pour ne pas sombrer dans le fatalisme et être envahi par une immense tristesse.
Sans être la solution absolue, l’art et les artistes nous permettent de survivre dans cet environnement de plus en plus agressif. Une peinture, un livre, un poème, une chanson, un conte, cela suffit à échapper quelques instants à ceux qui prétendent diriger nos actes, notre pensée.
Ne nous laissons pas abuser par le loup et restons attentif au moindre moment furtif où un peu de beauté est créée. Pour y laisser notre âme s’y abreuver sans retenue.
Nous autres conteurs, avons l’opportunité d’apporter ces moments d’apaisement et de joie à travers nos histoires. Même dans le dénuement total - pas de lieux culturels pour se produire, pas de subsides pour monter des spectacles, en faire la publicité - nous pouvons, si nous en avons le courage, la volonté, continuer à conter. Partout ! Dans la rue, sur un banc, au comptoir d’un bistrot, autour d’une table… au fond d’une grotte.
Bien sûr, nous pleurons parfois sur les conditions dans lesquelles nous nous retrouvons pour exercer notre art, mais il y a finalement beaucoup de noblesse à être un vagabond de la parole.
Alors détournons-nous du loup et continuons à raconter des histoires pour sourire, pour réfléchir, pour donner du rêve et des espoirs pour demain. Des histoires peut-être comme celle-ci :
Il était une fois un pays très différent des autres.
On n’y croisait pas de gens riches.
On n’y voyait aucune star, somptueusement vêtue, ni banquier jouant en bourse avec l’argent des épargnants.
Ni même des jeunes gens roulant à tombeau ouvert dans les rues avec leurs belles voitures rutilantes.
Les casinos n’existaient pas et les villas avec piscine y étaient inconnues.
Sans doute me direz-vous que ce devait être là, un pays bien triste, bien ennuyeux.
Peut-être bien.
Peut-être pas.
Car, voyez-vous, dans ce pays- là, il n’y avait pas de pauvres non plus.
Alors, allez savoir…
(d’après une histoire écrite par Stéphane Van Hoecke pour le livre « Iles de contes » pour l’association «Iles de paix»)
Dominique Brynaert